Microsoft, acculé par Bruxelles, joue la montre pour sauver ses prérogatives (PAPIER D'ANGLE)
   Par Amandine AMBREGNI
  
   NEW YORK (Etats-Unis),
26 mai 2005 (AFP) - Le géant des logiciels Microsoft, sommé par la Commission européenne de se conformer enfin à ses injonctions, affiche une coopération polie mais continue de jouer la montre dans l'espoir de céder le minimum de terrain sur son leadership.
   Après avoir joué pendant des mois avec la patience des services européens de la concurrence, le numéro un mondial encourt une astreinte journalière correspondant à
5% de son chiffre d'affaires quotidien mondial, soit une pénalité de 5 millions de dollars par jour.
   Comme à son habitude dans la longue saga de ce procès, Microsoft a cherché à gagner du temps, indiquant, après s'être vu imposer par Bruxelles un ultimatum au
1er juin, "travailler avec la Commission afin de parvenir à un accord et à être en conformité totale avec la décision de mars 2004".
   "Microsoft a un énorme intérêt à ralentir le processus", fait valoir une source proche du dossier à Bruxelles. Les dirigeants du groupe "restent toujours très accommodants sur la forme, tout en continuant à ne rien lâcher sur le fond".
   Accusé d'abus de position dominante, le groupe doit commercialiser une version de son système d'exploitation vedette Windows sans le lecteur de logiciels audio et vidéo Media Player.
   Microsoft doit surtout divulguer des informations permettant l'"interopérabilité" de Windows avec des produits concurrents. Il s'agit ici pour Microsoft d'ouvrir l'accès au sacro-saint code source de son système d'exploitation.
   Si le groupe de Redmond a accepté de payer en décembre
497 millions d'euros d'amende, "la difficulté est que la condamnation touche à la nature même de l'architecture du logiciel chez Microsoft", explique une source industrielle.
   "Microsoft a bâti son coeur de métier sur une architecture de base, à laquelle il ajoute des éléments complémentaires inhérents, comme le Media Player ou le navigateur Internet Explorer, ce qui lui permet de verrouiller ses clients sur toute une chaîne de produits", résume Joe Wilcox, analyste spécialiste de Microsoft au cabinet Jupiter Research.
   "On peut en déduire que Microsoft se bat avec acharnement pour modifier le moins possible un modèle économique qui lui vaut aujourd'hui de faire un milliard de dollars de bénéfices par mois", relève la source industrielle.
   "Microsoft a sans doute aussi voulu tester la ténacité de la nouvelle équipe à la Commission, et vraisemblablement, c'est un tort", selon elle.
   Officiellement, Microsoft a mis au point une version de Windows sans Media Player. Reste que cette dernière, qui doit être validée par la Commission, doit être tout aussi attrayante que la précédente version, ce qui fait partie des points d'accrochage avec Bruxelles.
   "Microsoft a tout fait pour décourager les clients d'acheter cette version", fait remarquer la source industrielle.
   A plus long terme, "ces mesures créeraient un précédent dangereux pour le groupe", renchérit Joe Wilcox, "alors que le règlement conclu avec le département de la Justice américain en
2001 allait beaucoup moins loin: Microsoft avait seulement accepté de vendre certains protocoles sous licence".
   "Je ne serais pas étonné que Microsoft paie l'astreinte en attendant la décision de son appel, qu'il espère en sa faveur, ce qui annulerait les mesures correctives", ajoute cet analyste.
   "Je doute que Microsoft entre dans ce jeu", estime au contraire le professeur Nicholas Economides, de la Stern Business School (Université de New York).
   "Microsoft doit respecter la décision de justice, et la décision en appel n'est pas attendue avant la mi-
2006", souligne-t-il.
   "Les négociations, complexes sans aucun doute, doivent porter sur les informations à rendre accessibles, et sur la possibilité d'en mettre certaines sous licence, et à quel prix", suppose-t-il.
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